L'escalier rouge

Publié le par estel siliab




      Elle portait une magnifique robe de soirée rouge, d'une pièce, moulante, sculptant son corps d'une peau brûlante et fluide du cou jusqu'aux chevilles, seules ses épaules et ses bras étaient nus, ce qui augmentait d'autant sa grâce., aucun bijou, ni bagues ni colliers, elle portait une robe de soirée rouge, c'est tout. Dans le taxi je dénouais ma cravate d'une main, l'autre glissant le long de sa cuisse, l'effleurant à peine.
     "Donne moi une cigarette s'il te plaît. " Elle avait les yeux fermés en disant cela et sa tête inclinée vers l'avant oscillait doucement comme au son d'une vague. J'allumais la cigarette et lui tendit. Dans le rétroviseur les yeux du chauffeur indiquaient une réprobation  contenue mais il ne dit rien, il l'aurait emmenée au bout du monde. Je lui demandais de s'arrêter.
      Lore ouvrit les yeux " que se passe t-il ? " .
      " On descend " m'entendis-je répondre alors même que je n'avais aucune idée d'où nous étions. Je descendis puis allais lui ouvrir, un billet pour le chauffeur déçu de ne pas faire durer sa course. Il ne posa pas de question et s'en alla doucement se fantasmant passager encore quelques instants avant que son rétroviseur ne perde au loin la silhouette rouge.
      Nous étions dans un vieux quartier de la ville aux épais murs de pierres grises et aux rues étroites et sombres, l'endroit était désert, les maigres îlots de lumière qu'offraient les lampadaires avaient du mal a lutter contre l'obscurité. Un peu plus loin, dans le centre les rues grouillaient d'animation, ici, rien... ni personne, mais je me sentais poussé à avancer, à m'enfoncer encore plus profondément au coeur de ce lieu. Je pris Lore par la main et tandis que nous marchions résonnait dans la nuit le seul bruit de ses talons.
      " Ou allons nous? " Du doigt je lui montrais le chemin avec le sentiment étrange que derrière moi une autre main, invisible celle là venait à l'instant de me l'indiquer. Nous arrivâmes à une petite place avec en son centre une chapelle. Sur le parvis, au dessus de la lourde porte en bois une ampoule nue était seule à éclairer l'endroit, tout autour les hautes maisons anciennes nous écrasaient de leur volets fermés, elles avaient l'air abandonnées ,même les lampadaires semblaient avoir rendus l'âme depuis bien longtemps.
      Je sursautais lorsque le colosse nous fit face, Lore nullement effrayée émit un petit rire en sentant ma main serrer la sienne plus fortement. L' homme qui se tenait devant nous devait faire au moins deux mètres de haut et presque autant en largeur, c'était un mur et la pauvre ampoule n'en éclairait qu'une partie laissant son visage dans l'ombre.
      " Si vous voulez bien vous donner la peine de me suivre, monsieur dame." Et sans attendre de réponse il se dirigea sur sa droite vers une petite porte en bois, nulle enseigne, pas de lumière, Un minuscule pan ouvert par les pattes énormes de notre... hôte ?  dont la voix grave nous invitait.
     Un escalier  étroit descendait directement vers une petite lumière rouge ,chaude et spectrale à la fois, le plafond était bas. En aucune façon le monstre qui nous tenait la porte ne pouvait venir de là, en effet, à peine étions nous entrés que j'entendis la porte doucement se refermer dans mon dos.
     Un couloir en pente douce sur la droite nous emmenait plus profondément encore dans les sous-sols, je poussais devant moi Lore qui semblait s'amuser de la situation, elle se laissait faire, candide autant que moi qui me laissais pousser par cette autre présence invisible qui me soumettait à son désir. A notre approche la porte au fond du couloir s'ouvrit d'elle même et nous arrivâmes dans une cave dont les voûtes se perdaient dans l'ombre.
     Comme la chapelle tout à l'heure, cette... crypte n'était éclairée que par une unique ampoule, en dessous de l'ampoule une cage et dans la cage une femme enchainée. Il n'y avait rien d'autre, aucune présence ne foulait la terre battue, aucune autre instalation, juste elle et nous dans une grande cave humide.
     Lore était accrochée à moi, collée, bouleversée par le spectacle qu'elle avait devant les yeux et dont elle ne pouvait détacher le regard, je la sentait tremblante d'une émotion, de milles émotions confondues, la peur, le désir, l'envie, le doute, l'admiration, l'écoeurement... je crois qu'autant qu'elle je réclamais un soutien et je ne pouvais, moi non plus, détacher mon regard de la femme qui était devant nous.
     " Servez vous s'il vous plaît " nous întima t-elle dans un soufle.
     Ses yeux brillaient de milles étoiles de désir et ses larmes coulaient prolongeant encore le scintillement sur ses joues, ses longs cheveux collés à sa peau tressaient des arabesques improbables qui remuaient doucement au rythme de sa respiration encore haletante. Elle était debout, les bras attachés bien haut par des menottes serrées qui lui cisaillaient les poignets, de longues trainées rouges guidaient les gouttes régulières de son sang le long de son corps. Certaines, glissant sur son ventre finissaient leur course sur un plateau rond en argent posé au sol entre ses jambes. Certaines glissaient le long d'une bouteille de champagne, d'autres dans les verres à moitié plein dont le liquide se teintait de rose.
     " Servez vous."
     j' avancais le bras, subjugé et saisis deux flûtes, j'en tendis une à Lore qui, autant que moi envoutée par l'étrangeté de la situation la saisi et la porta à ses lèvres sans même quitter des yeux la vision de beauté et d'horreur qui nous faisait face.
     Son corps élancé était strié de traînées rouges laissées par un fouet ou une badine ou bien les deux puisque à ses pieds traînait encore l'équipement complet de sa douleur et visiblement de sa jouissance. Je ne sais lequel de ses jouets elle avait gardée à l'intérieur de son corps mais par instants ses yeux se révulsaient et ses jambes lâchaient un moment alors que désespérément elle luttait entre le désir de s'abandonner à sa jouissance  et la douleur certaine qu'offrait le métal à ses poignets, la forcant à rester debout. Son corps entier était rouge de son sang, le matériau de sa jouissance. Lorsqu'elle reprenait conscience, elle nous fixait de ses yeux immenses et le petit rictus qu'elle faisait alors venait appuyer la douceur de son regard. Elle se mettait alors à danser pour nous, son corps ondulant au rythme d'une musique imaginaire.
     " Servez-vous " dit-elle en nous indiquant cette fois les multiples objets qui jonchaient le sol de la cage.
     Lore n'en pouvait plus, elle se frottait contre moi, dans mon dos, elle était tout le temps restée dans mon dos.
" Je veux m'en aller, partons, partons d'ici" me dit elle à l'oreille. Moi, le souffle court, j'oscillais comme elle sans doute entre la possibilité unique qui s'offrait là, et la morale imposante qui me contraignait à refuser. Nous étions seuls et la fille était là, déjà prise jusqu'au sang elle s'offrait encore plus, au delà de son sexe, au delà de son être, elle nous offrait sa vie.
     Lore me prit par la main et se mit à courir vers la porte, m'entraînant alors que mon regard toujours s'attardait sur la belle esclave qui agitait les doigts en souriant, en guise d'adieu. Dans le couloir Lore haletait " je veux partir, je veux partir". Au bout du couloir elle tomba et dechira sa robe, son corps tremblait de partout, les larmes coulaient sur son visage quand elle se retourna vers moi. Je la collais contre le mur en grognant et remontais sa robe. Sa belle robe rouge, toute rouge, elle ne portait rien d'autre, je la retournais et la basculais dans l'escalier, ce n'est qu'en haut des marche que nous nous écroulâmes, vidés, la tête cognant contre la porte.

Publié dans lui - elle... eux

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N
lieu insolite, excitant, belle histoire<br /> finalement, la dame a changé d'avis, la fuite n'était pas la fin
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